Face à la pénurie croissante de logements abordables dans les zones touristiques, de nombreuses municipalités françaises ont recours à une mesure fiscale controversée : la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Cette stratégie, visant à freiner la prolifération des maisons de vacances au détriment de l’habitat permanent, connaît un essor fulgurant depuis 2024.
Une expansion rapide de la surtaxe
L’année 2024 marque un tournant dans l’application de cette mesure fiscale. Le nombre de communes ayant mis en place la majoration de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires a connu une augmentation spectaculaire de 473% par rapport à 2023. Ce bond s’explique par un décret pris en 2023, élargissant le champ d’application de cette surtaxe à près de 3 700 communes, contre seulement 1 100 auparavant.
Ainsi, en 2024, ce sont 1 461 municipalités qui ont opté pour cette majoration, soit quatre fois plus que l’année précédente. Cette progression fulgurante témoigne de l’urgence ressentie par de nombreux élus locaux face à la crise du logement dans leurs communes.
Les objectifs de la surtaxe
Contrairement aux idées reçues, l’instauration de cette surtaxe ne vise pas principalement à renflouer les caisses municipales. Selon le député Xavier Roseren, fervent défenseur de cette mesure, l’objectif principal est de financer des projets en faveur du logement durable. « Les bénéfices pour les communes visent à mener à bien des projets en faveur du logement à l’année. Chaque petite victoire est bonne à prendre et le combat continue », a-t-il déclaré.
Cette approche s’inscrit dans une volonté plus large de préserver l’équilibre entre l’attrait touristique des communes et la qualité de vie des résidents permanents. En encourageant la transformation de résidences secondaires en logements principaux, les municipalités espèrent dynamiser leur tissu social et économique tout au long de l’année.
Une application variable selon les régions
L’analyse de la répartition géographique de cette mesure révèle des disparités intéressantes. Si les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie concentrent le plus grand nombre de communes ayant institué cette majoration en valeur absolue, ce sont les régions de l’Ouest qui se distinguent en termes de pourcentage d’adoption.
En effet, 75% des communes éligibles en Bretagne ont eu recours à cette surtaxe, suivies de près par les Pays de la Loire (61%) et la Nouvelle-Aquitaine (58%). Ces chiffres, nettement supérieurs à la moyenne nationale de 39%, témoignent de l’acuité particulière de la problématique du logement dans ces régions côtières très prisées des vacanciers.
Des taux de majoration variables
La liberté laissée aux communes dans la fixation du taux de majoration aboutit à une grande diversité de situations. Près de 37% des municipalités concernées ont opté pour la majoration maximale autorisée, soit 60% de la taxe d’habitation de base. À l’opposé, environ 25% des communes ont choisi une augmentation plus modérée, ne dépassant pas 20%.
Cette variabilité reflète la complexité de l’équation à résoudre pour les élus locaux : trouver le juste équilibre entre la nécessité de financer des projets de logement et le risque de décourager excessivement les propriétaires de résidences secondaires, qui contribuent souvent de manière significative à l’économie locale.
Des exemples concrets
Parmi les communes ayant adopté cette mesure, on peut citer Capbreton et Mimizan dans les Landes, Le Lavandou et Bormes-les-Mimosas dans le Var, ou encore Tregennec et Crozon dans le Finistère. Ces localités, toutes caractérisées par leur forte attractivité touristique, illustrent la diversité des situations géographiques et économiques concernées par cette problématique.
Les défis et les perspectives
Si l’augmentation spectaculaire du nombre de communes appliquant cette surtaxe témoigne de son attrait pour les élus locaux, elle soulève également des questions quant à son efficacité à long terme et ses potentiels effets secondaires. Certains experts craignent que cette mesure ne conduise à une hausse généralisée des prix de l’immobilier, pénalisant in fine les résidents permanents qu’elle est censée protéger.
Par ailleurs, la transformation de résidences secondaires en logements principaux pourrait avoir des répercussions sur l’économie touristique de certaines communes, nécessitant une réflexion plus large sur les modèles de développement territorial.
Enfin, la question de l’équité fiscale entre résidents permanents et propriétaires de résidences secondaires reste un sujet de débat, certains arguant que ces derniers contribuent déjà significativement aux finances locales sans bénéficier de l’ensemble des services municipaux tout au long de l’année.
La majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires apparaît comme un outil parmi d’autres dans la lutte contre la crise du logement dans les zones touristiques. Son efficacité et sa pertinence devront être évaluées dans la durée, au regard des objectifs fixés par les municipalités en termes d’accès au logement pour les résidents permanents et de développement économique durable.